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Brèves d’Automne

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Je sens le vent souffler et faire bouger les feuilles. Musique matinale. La lumière du jour qui se lève me berce de tendresse. L’automne est installé et d’ici quelques semaines laissera place à une toute nouvelle saison. Je savoure les couleurs déclinées à l’infini, du jaune, du vert, du rouge orangé, du brun, des tâches et des mélanges, du rose et parfois un tourbillon arc-en-ciel qui se pose délicatement sur l’herbe fraîche.

Je me sens partagée entre l’envie de marcher à l’air libre, de remplir mes poumons de cet air précieux et le souhait de profiter de mon intérieur, d’un plaid bien chaud et d’une boisson chocolatée ou épicée.

Je sors des placards les pulls en laine et en cachemire, me réapproprie ces vêtements remisés dans la penderie de l’entrée depuis plusieurs mois. Des couleurs vives et du noir. L’assortiment parfait. Mes pieds habitués à la nudité se plongent dans des bottes et délaissent les chaussures légères qui les ont portés pendant l’été. Je m’enveloppe dans un long manteau, matelassé, entoure mon cou d’une écharpe et glisse mes mains dans des gants fourrés.

Je marche dans les feuilles comme les enfants, comme j’aime le faire dans les flaques d’eau quand la pluie tombe assez pour en recouvrir les trottoirs. Je les envoie valser et me délecte du son qu’elles émettent. Je m’émerveille toujours autant et puise dans l’alternance fraîcheur – chaleur tout ce dont j’ai besoin pour me défaire moi aussi de tout ce qui ne me sert plus.

Je passe du temps en cuisine, un peu plus de temps, reprenant contact avec les aliments de saison. Ca mijote et mon regard se perd dans le gris du ciel ou la nuit qui pointe peu après l’heure tant appréciée du goûter. J’allume bougies et lumières. Je me laisse bercer par le calme qui règne, par les rires discrets que l’on distingue à peine, derrière les fenêtres fermées.

Je prends mon temps, je me sens moins pressée. Je marche sur l’herbe humide avant de regagner l’atmosphère apaisante de mon foyer.

L’automne me guide et m’accompagne, me donne un an de plus chaque année, m’inspire des textes qui sentent bons la douceur de vivre et le partage, me murmure des secrets et quand l’automne s’en va, sur la pointe des pieds, mon cœur se serre un peu, mon univers met du temps à s’habituer.

Ce texte a été écrit dans le cadre de l’Atelier des Jolies Plumes (24e edition) de Célie et Fabienne: “nous dire ce que vous, vous aimez et ce dont vous avez envie en automne”.

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Nage aérienne

Je nage. Dans un bain de douceur. Je regarde mes jambes et mes bras faire des nœuds. Je prends conscience de mon corps en apesanteur, qui flotte sur l’eau, dans le vide, un vide rassurant. Je sens deux mains me tenir les hanches. Je pars. Je me laisse porter par le courant, par le flot de mes pensées. Je nage. Je perçois des sons inconnus. J’entends des voix. Je vois un visage attaché au mien. Il me caresse du regard et dans ses grands yeux bleus, je me perds. Je nage. Dans une bulle sucrée. Je regarde mes mains dessiner des cercles, bouger au rythme de ma respiration, légère et aérée. Je prends conscience du poids de mes pensées, du passé, des regrets. Tout défile sans que je ne puisse appuyer sur stop. Je nage, paisiblement, sans attente. Je me laisse aller. Je nage. Le monde a une saveur que je ne lui connaissais pas. Je vogue comme un bateau sur une mer d’huile et regarde le paysage, tranquille. Tout est lisse, magique, aérien. Quel doux moment, dans lequel je souhaiterais m’éterniser. Je me sens bien, en phase avec mes envies, mes rêves. Je nage dans le bonheur. Mon corps me porte…

Mon corps se braque. La douleur foudroyante me cisaille les entrailles. Je touche les draps autour de moi, trempés. Le lit est vide. La douleur m’assomme. Pierre me dit de ne pas m’inquiéter. Tout est sous contrôle. Il me porte dans ses bras, le taxi nous attend, direction la maternité.

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Ce texte a été écrit dans le cadre de l’Atelier des Jolies Plumes de Juillet, le rendez-vous de Fabienne et Célie, sur le thème du rêve: “Vous vous réveillez en sursaut, ou avec le sourire aux lèvres. Le réveil vous fait ouvrir les yeux alors que vous pensiez que ce bruit venait d’ailleurs. Votre subconscient veut vous faire passer un message ou vous revivez la journée qui vient de s’écouler. Bref, vous avez rêver et nous voulons tout savoir. “
Crédit Image – Planète Bubble
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Un bruit mystérieux

 Toc Toc

Un bruit léger. Je ne bouge pas. Je tends l’oreille. Plus rien. Juste le silence de la nuit et les gargouillis de mon ventre.

Toc Toc

Le bruit se fait plus lourd. Mon corps tremble. Je déteste ces coups dans la nuit, qui viennent disperser mes rêves aux quatre coins du lit. Je laisse le soin à Guillaume d’aller voir ce qu’il se passe.

Toc Toc

Guillaume n’a pas dû se lever. Peut-être bien qu’il n’a rien entendu. Il dort en effet comme une souche à côté de moi. Le bruit est maintenant tout doux, comme une caresse.

Toc Toc

Je m’y colle. Je n’arrive pas à dormir avec cette musique qui n’en finit plus. Et puis je veux savoir d’où elle vient. Peut-être une porte mal fermée ou le robinet qui goutte.

Toc Toc

L’examen minutieux n’a rien donné. Je m’allonge soucieuse avant de secouer Guillaume, histoire de partager avec lui cet instant mystérieux. Peut-être qu’il aura une idée.

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Toc Toc

Il n’entend rien. Etrange.

Toc Toc

Toc Toc

Je laisse mes doigts dessiner des ronds sur mon ventre. Deux petits pieds se calent contre mes paumes de mains. Je tends l’oreille. Je comprends.

L’enfant m’attend.

Ceci est ma participation à l’atelier des Jolies Plumes de Fabienne et Célie – sur le thème suivant: Toc Toc. Est-ce le facteur avec un colis, un ancien amour, un nouveau voisin qui vient d’arriver, un autre qui souhaiterait des œufs, un admirateur secret qui a laissé quelque chose sur le palier ? Que se passe-t-il sur le pas de votre porte?”
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Ils appellent ça le devoir conjugal…

Parfois elle souhaite en parler. Parfois pas.

Parfois elle ressent le besoin de partager ce moment, ces quelques minutes si douloureuses, cette lente agonie de la confiance qui se délite.

Parfois seulement.

Parfois elle se demande à quoi elle ressemblerait en face d’un homme, sans ses vêtements, pour cacher son corps.

Parfois elle craint cette intimité. Pourrait-elle encore se dénuder sans se sentir coupable ?

Parfois des flashs. Parfois elle s’en veut d’être descendue si bas.

Parfois elle a besoin de le crier. Et puis elle se tait. Ca cicatrice doucement à l’intérieur.

On dit que ces choses-là, ça relève du privé. On n’en parle qu’entre quatre murs. On n’ose pas, souvent.

Parfois elle a mal à ce corps qui réclame un peu de douceur, de tendresse, des marques d’attention.

Parfois elle a juste envie d’oublier. Elle désire rayer l’odeur de sa peau sur la sienne, le poids de son corps sur le sien.

Parfois elle se demande si c’est elle, le problème.

Au fond, ce n’est rien qu’une banale histoire de devoir conjugal.

Son absence de tact, son désir presque animal lui soulèvent le cœur.

Parfois elle se souvient. Puis oublie.

Elle se dit qu’avec beaucoup d’amour, elle viendra à bout de cette phobie.

Parfois elle pense à avant, avant lui, à sa liberté, à son corps libre osant dépasser les clichés.

Parfois elle se revoie avant tout ça. Qu’est-ce qui a cloché pour qu’en si peu de temps elle ait autant honte d’elle-même ?

Souvent elle n’y fait pas attention.

Mais quand elle pense à l’amour, au plaisir, au désir, à l’extase, elle se demande à quoi ça ressemble déjà, qu’est-ce que ça fait d’être aimée sans jugement, sans mensonge, sans ébats dégradants, sans envies là, maintenant, sans ménagement.

Parfois, elle pense aux autres. Comment font-ils ?

Parfois, elle se demande comment elle s’y est prise pour tout accepter, comment elle a accepté d’être à ce point utilisée ?

Parfois elle a envie d’en parler. Puis elle se tait. Elle ne sait pas par où commencer, comment le dire, sans choquer, comment écrire leurs corps enchaînés et son corps désarticulé.

Puis elle arrête d’y penser. Aller de l’avant. S’aimer.

S’en vouloir, lui en vouloir, n’y changera rien.

S’affranchir du néant. Enfin.

Elle le sait désormais.

L’avenir ne ressemblera pas au passé.

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Ceci est ma participation à l’Atelier des Jolies Plumes de Célie et Fabienne. Le thème de mars était Trahison.

Crédit Image – Eeuphoriaa Tumblr

Posted in Atelier écriture, Tout un poème

De la création…

Une nuit sans étoile
Lumière pâle
Sur le monde
Qui s’endort
Le ciel se cabre
Sous les assauts du vent
Et l’artiste
Sort ses griffes
Passion féroce
Contre énergie vitale
Un coup d’épée sur la toile
De la vie qui s’emballe
Une dose de drogue douce
Glisse entre ses veines
Et sous la peau
L’ivresse l’enchaîne
L’artiste résiste
Se braque
Lâche prise
S’enivre
Croque à la source vive
Se vide de sa folie
La création
Joue avec ses démons
L’artiste tremble
Bascule
Trépasse
Se noie
Le chaos le broie
Un souffle
Sursaut de vie
Respiration ralentie
Pause
L’inspiration
Inonde la pénombre
Caresse la nuit
D’idées fécondes

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Crédit – Photographe Saul Leiter

Ceci est ma participation à l’Atelier des Jolies Plumes de Fabienne et Célie sur le Thème “Créer”.

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Un cadeau pour la vie

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Tout autour, des fleurs, de toutes les couleurs. Et un nom sur la pierre. Deux dates. Des souvenirs. Son cœur s’emballe. France n’est plus mais son parfum virevolte autour d’Elsa, fait barrage à son chagrin. Elle l’entend encore lui dire :

Aime la vie. C’est beau. Ca vibre. Ca lance des pépites dans les nuages, nous n’avons plus qu’à regarder le ciel pour les cueillir. Certains la trouvent compliquée. D’autres savent que ce n’est qu’une façade, que derrière ses rides, la vie est belle, sublime.
Vis, chante à tue-tête, pleure de joie et ris quand tout va mal, fait la fête et danse jusqu’au bout de la nuit, laisse tes pas te rendre ivre de bonheur.
Aime, passionnément, inconditionnellement, aime avec ton cœur, avec tes sens, avec tes rêves accrochés à tes paupières lourdes de promesses. Ouvre ton cœur au monde, au battement d’ailes des papillons. Ouvre tes bras pour donner de la chaleur, pour recevoir de la douceur. Ouvre tes yeux à l’autre, offre lui une chance de te connaître, d’intégrer ton univers, d’y trouver repos et calme, au milieu de la tempête.
Prie. Debout, assis, face au soleil qui se lève ou à la nuit qui descend, face aux étoiles filantes, au silence du désert. Reste silencieux quelques minutes, laisse la grâce de l’instant descendre sur toi telle une pluie d’amour naissant.
Fais naitre des souvenirs, prend des photos de tous ces instants magiques, en famille, entre amis. Célèbre tout et rien, tes victoires, vos années d’amitié, autour d’un verre en terrasse, autour d’un dîner improvisé. Partez en voyage sur le pouce, faites des kilomètres la fenêtre ouverte, poussés par le vent, les cheveux en bataille et les yeux éblouis. Eclate de rire au milieu de la foule et saute dans les flaques, à pieds joints.
Dis « je t’aime » sans compter. Avant que tu ne puisses plus le dire. Dis « je t’aime » jusqu’à t’effondrer dans les bras de l’être aimé. Dis « je t’aime » en enroulant tes bras autour d’un corps, en déposant un baiser sur une peau satinée.
Ouvre tes yeux, tes oreilles, regarde la vie sans la juger, sans te juger. Goûte à tout. Respire profondément. Expire lentement.
Bats toi pour ce en quoi tu crois, sans haine, ni violence. Seule la lumière a le pouvoir de t’emmener loin, de t’ouvrir les portes de demain. Continue à y croire, même si tout le monde est contre toi, même si on te traite d’idéaliste et que tu n’apprécies pas.
Regarde les autres et ne les rend jamais coupables de tes maux ou de ta colère. Quand celle-ci pointe son nez, accepte la et demande-toi comment la transformer. Quelque chose de beau en sortira.
Partage les joies de ceux qui te sont chers, entoure-toi de nourrissons qui sourient aux anges, d’enfants coquins, de blanc, d’azur, de couvertures douces, de coussins confortables.
Laisse le passé au placard et quand il s’invite sans prévenir, laisse-le te parler avant de le congédier. Tire les conclusions qui te semblent justes et qui t’aideront à avancer.
Regarde-toi dans la glace avec tendresse. Complimente-toi de temps en temps, comme tu sais si bien le faire avec autrui. Sois bienveillant et généreux. Sois toujours ton meilleur ami.
Eloigne-toi du rivage quand la mer se rebiffe, quand elle s’abat furieusement sur les rochers. Laisse sa rage s’évanouir avant de l’approcher et écoute bien les secrets qu’elle te confie.
Pars en voyage à l’autre bout du monde, sois attentif à tes découvertes, aux paysages inconnus. Mais souviens-toi toujours que ta plus grande richesse bat en toi : ton cœur ouvert aux autres.
Apprends, lis, écoute l’autre, fais des erreurs, accepte de ne pas tout contrôler, ai peur, ai froid, ai plein d’amour à donner, arrête le cours de tes pensées, à défaut de pouvoir arrêter celui du temps, traînes en pyjama jusqu’à midi, laisse Petit Loup ou Louloute mettre des jouets partout, faire le ménage avec toi, même si c’est pire après qu’avant, refais le monde à ta façon avec des personnes qui ont les mêmes envies que toi, profite de chaque saison au maximum, fais des pauses, bois du chocolat chaud, fais de ton travail une fête (à la mesure du possible), fais vivre tes passions, crée en de nouvelles, écris, peins, dessine, fais du sport pour te libérer l’esprit, prends des forces, mange sainement, explore, laisse couler, porte des couleurs, fais les valser du bout de tes doigts.

France disait tout ça et plus encore. Elle vivait ses mots comme personne. Elle avait ce mérite. L’âge l’a emportée loin. Elle aurait dit que c’était normal. Ses mots restent inscrits à l’encre indélébile dans la vie d’Elsa. Sa façon de lui dire qu’elle ne sera jamais seule, que la mort ne change rien, que le corps s’en va mais que l’âme reste, immortelle, un cadeau pour la vie. Marie Kléber

Ceci est ma participation à l’Atlier des Jolies Plumes créé par Célie et Fabienne. Le thème de cette 17e édition était La Vie. Pour participer, écrivez à latelierdesjoliesplumes@gmail.com.

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Longue-Distance

Le frôlement de sa main. Sur ma main. Sur ma peau bronzée. Sur mes incertitudes naissantes. Le contact de sa main me rassure. Derrière ses lunettes noires, il me dévore des yeux et je ne sais où poser les miens. Plonger mon regard dans son regard me fait un peu peur. Il le sait. Il joue d’ailleurs avec ça. Souvent. Pour détendre l’atmosphère.

Je ne sais plus trop où j’en suis. Je ne savais pas que l’amour pouvait nous prendre par surprise, qu’il pouvait nous soulever de terre, nous faire tournoyer et nous faire perdre notre équilibre, sans que cela soit une mauvaise chose. Je ne pensais pas que les bras de l’autre, son corps, son sourire, ses expressions, ses passions pouvaient envahir l’air que nous respirons. Il avance à tâtons. Je marche à reculons. Pourtant je l’aime. Mais j’ai terriblement peur. Peur de l’après, de nous deux loin l’un de l’autre, de nos existences de funambules. Et puis j’ai peur de la rupture, des cris, des larmes. Comment nous aimerons-nous à 1000km ? Comment bâtirons-nous l’avenir entre Skype et SMS ?

Je me pose plus de questions que lui. Tout semble si limpide dans son esprit. Ce n’est l’affaire que de quelques mois. Le temps pour lui de tâter le terrain, de voir si je peux le suivre, partir respirer enfin le même air que le sien.

Je me dis que la distance viendra peut-être briser notre belle complicité. Je n’ai jamais été optimiste en amour. J’ai d’autres qualités. Mais l’amour, ça m’a toujours contrariée. Je ne me suis jamais sentie à la hauteur d’un amour ou assez à l’aise pour oser davantage. Et puis voilà qu’avec lui, tout a été si vite. Tout a semblé si facile. Trop facile.

Il pose maintenant sa main sur mon visage. Sa caresse est légère et tendre. J’ai envie de faire un pas vers lui, mais mes yeux se posent sur l’horizon, sur l’avion sur le tarmac.

  • Sophie, n’ai pas peur.
  • J’ai pas peur.
  • Menteuse !
  • Oui j’ai peur. Mais tu n’y peux rien.

Il s’est levé, m’a souri. Il a pris sa valise posée à côté. Je l’ai suivi jusqu’à la limite. J’aurai pu inventer n’importe quoi pour l’empêcher de partir. Mais de quel droit ? Au lieu de ça, je l’ai regardé s’éloigner, le cœur lourd. Je l’ai vu se tourner, m’envoyer un baiser du bout des lèvres. Je l’ai vu disparaître dans la foule. J’ai fouillé dans mon sac à la recherche d’un mouchoir pour essuyer mes joues mouillées. J’ai effleuré un morceau de papier, que j’ai sorti, faute de mieux. Et j’ai balayé mes larmes avec un « je t’aime » griffonné au crayon bleu.

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Ceci est ma participation à l’Atelier des Jolies Plumes, créé par Célie et Fabienne:  “Ce mois-ci, nous vous invitons à écrire une histoire d’amour. Le début, la fin, le milieu, l’entier, dans l’ordre, le désordre, l’avant, l’après, c’est vous qui choisissez. Elle peut être magique, tragique, héroïque, fantastique, surréaliste, ancrée, légère, difficile, passée, présente, future, c’est votre histoire et nous avons hâte de découvrir les traits que vous lui donnerez…”

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Vers une nouvelle vie…

La route s’étend à perte de vue. L’horizon au loin, le ciel sur l’horizon, la lune au creux du ciel. Et la nuit qui envahit la terre. Quelques lueurs dessinent des ombres. Des habitations inconnues. En s’approchant, on distingue des rires, des éclats de voix, à la lueur de bougies qui racontent une histoire.

Loin. Loin de tout ce qu’elle connait, de tout ce en quoi elle croit, Emma reprend goût à la vie, qui bat dans ses veines, qui glisse le long de son cou, qui s’attarde dans les vaisseaux qui mènent à son cœur, fragile. L’horloge du temps semble s’être arrêtée sur une heure précise, celle de la chute ou de la naissance à venir. Le tic-tac qui la faisait se cacher la tête sous l’oreiller n’est qu’un lointain souvenir.

Elle marche, sac sur le dos et dos en vrac. Elle marche, pieds nus sur l’asphalte, vers d’autres horizons, vers un ailleurs qu’elle espère meilleur. Chacun de ses pas l’éloigne de sa colère, de ses peurs, de son mal-être. Elle laisse derrière tout ce qui pèse trop lourd et ne sert à rien, les doutes, les angoisses. Son corps devient plus léger. Son esprit se vide au fur et à mesure et la sérénité gagne du terrain. Elle se sent pousser des ailes sur ce nouveau chemin.

Les bruits de la nuit ne l’effrayent plus autant. Elle a appris à composer avec eux, à prêter l’oreille, à rester silencieux, à anticiper le danger. Elle se souvient encore comment bloquer sa respiration quelques minutes. Puis Elle expire à pleins poumons, expulsant ses démons, prête à repartir.

Sur la route, elle s’attache à sa solitude. Elle se redécouvre, plus forte. L’écho de sa propre voix la rassure. Elle se souvient qu’hier sa voix lui filait des frissons. Emma détestait s’entendre, encore moins se regarder dans le miroir. Aujourd’hui elle se regarde de l’intérieur et arrive même à se trouver belle.

Au loin se dessine l’inconnu, l’étrange étranger. Emma marche vers lui le cœur léger, prête à s’offrir la vie dont elle a toujours rêvé.

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Ceci est ma participation à l’atelier des Jolies Plumes d’Octobre, dont le thème est :

« Nous emmenons vos héros tout au bord, seuls ou accompagnés, face à l’immensité des paysages tout devant et tout autour, face à l’étroitesse des sous-bois, face au vide, face aux plaines, face à leurs limites, face à leurs pensées. A quoi pensent vos héros au creux de ces chemins pris comme pour s’échapper ? Pourquoi ont-ils entrepris ce voyage ? Que ressentent-ils face à ces paysages lointains ? Joyeux, tourmentés, profonds, légers… » WILD

Pour participez à ces ateliers, écrivez à : latelierdesjoliesplumes@gmail.com. Célie et Fabienne se feront un plaisir de vous accueillir.

Les autres participants: Le Paradigm / Goldfish Gang / Miss G / Memories from anywhere /

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Parfaite harmonie

L’espace est plongé dans une semi-obscurité. Les bougies diffusent une lumière calme et apaisante. La musique nous entraîne sur un sentier peuplé d’arbres fruitiers et de cours d’eau, de chants d’oiseaux des quatre coins du monde. Il flotte dans l’air une odeur pareille à celle de l’encens que l’on trouve dans les ashrams indiens.

Elsa pousse la porte, se déshabille et prend place sur la table. Elle recouvre son corps d’une couverture chaude et ferme les yeux. Elle sent l’huile couler sur son corps. Et perd d’un coup contact avec la réalité.

L’air est frais. Il fait bon. Allongée sur sa chaise longue, elle regarde la mer au loin. Elle a tout débranché, téléphone, ordinateur. Elle a laissé de côté crayons et cahiers. Elsa prend le temps de vivre, enfin. Elle se prend à rêver, à parcourir des kilomètres seulement par la pensée, des vertes vallées d’Irlande aux collines de Provence. Elle se sent en harmonie avec les éléments, l’eau et la terre. L’essence de toute chose est là, à portée de main.

Tout lui paraît simple. Rien ne lui semble impossible. Ses projets, ses envies, tout se dessine précisément sous ses yeux. Elsa n’en revient pas et savoure chaque seconde.

Enveloppée de chaleur, le corps débarrassé des toxines et des tensions, Elsa sort doucement de son état second. Le massage est terminé. Le temps d’une heure, elle a prolongé l’état sacré des vacances. Elle se sent fin prête pour la rentrée.

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Pour cette rentrée, l’atelier des jolies plumes nous proposait d’écrire sur le thème suivant: “Le sel sur la peau, des grains de sables coincés entre les doigts de pieds, un chapeau en paille ou bien un foulard dans les cheveux. Pour certains, c’est la définition parfaite des vacances. Pour d’autres, ce sont de grandes randonnées entres les massifs qui ne sont plus enneigés. Vous ou votre personnage êtes aussi en vacances. Mais que sont les vacances pour vous/lui ? A quoi se résument-elles ? Avec qui êtes-vous/est-il ? A t-il vraiment des vacances ou en rêve t-il juste ? Et si les vacances c’était aussi seulement s’échapper 5 minutes dans ses pensées lors d’une réunion ?”

Si vous voulez rejoindre l’Atelier créé par Célie et Fabienne, n’attendez plus et envoyez un mail à l’adresse suivante: latelierdesjoliesplumes@gmail.com

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Elan de vie

  • Regarde, ma poupée Corolle
  • Les vêtements de nos Barbies
  • Et les livres de Martine là
  • Vise un peu les lunettes ! Oh la photo de classe de folie!
  • Quelle année ?
  • 1987
  • Quelle année !
  • Celle de Joe le Taxi
  • Quand même !
  • Ca ne nous rajeunit pas c’est ça ?
  • Non ce n’est pas ça. C’est la nostalgie qui me rattrape parfois qui me fiche le bourdon.
  • Attends…
  • Quoi ? T’as trouvé un trésor ?
  • Juste nos déguisements !
  • Tu veux dire les jupes et les boas de tata Monique ?
  • Tu te souviens ?
  • On s’amusait bien.
  • On n’a bien cru que ça durerait toute la vie.
  • Puis il y a eu Fredo
  • 1992
  • The show must go on
  • Ca n’a pas loupé
  • On a quitté la maison
  • Et nos souvenirs
  • Et nos rêves aussi
  • Bien à l’abri dans des cartons
  • Des cartons que papa a mis au grenier sans état d’âme
  • Alors que nous on avait le cœur en vrac
  • Et malgré les menaces de tout bazarder
  • Il a tout gardé
  • C’était un chic type papa
  • Pas bavard
  • Mais avec un cœur gros comme…
  • Gros comme…
  • Comme tout ce qu’on a sous les yeux
  • J’aurai bien aimé lui dire aurevoir
  • Moi aussi
  • Si on avait su
  • On a tellement cru qu’on était invincibles
  • Qu’on ne serait jamais bien loin les uns des autres
  • On a oublié que le temps passe
  • On a oublié bien des choses85cdf29f778e7ce32a7433dc086e7707_resized

Le téléphone sonne, nous ramenant à la réalité. Maman nous appelle. Il faut descendre, effacer nos larmes et affronter le reste. Je crois qu’on est plus fortes, après ce bref retour en arrière. Parfois cela suffit à apaiser les chagrins que l’on se traine. L’enfance à ce don de nous faire oublier le reste, de nous donner un nouvel élan de vie.

Ceci est ma participation à l’Atelier des Jolies Plumes, inauguré il y a plus d’un an par Fabienne et Célie.

Le thème de ce mois-ci était:

“Retrouver – Qui ? Quoi ? Où ? Comment ? Votre personnage retrouve quelque chose, quelqu’un. Un lieu, un objet, une personne, un sentiment. Votre personnage revit une expérience oubliée. Racontez nous cette intrusion du passé dans le présent. Que cela provoque-t-il chez lui ? Que cela peut-il changer dans sa vie ? Le passé a-t-il la même résonance au présent ?

Si vous voulez nous rejoindre, rien de plus simple, envoyez un mail à l’adresse suivante: latelierdesjoliesplumes@gmail.com!

Les autres participations:

My Pretty Lunacy – Goldfish GangLe Paradigm – Fil Culturel …

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Libre et Libérée

C’était facile pour elle de croire à l’amour, au bonheur.

Alors que moi, ma vie s’effritait à longueur de journée. Je perdais chaque jour la notion des heures, du temps qui passe, des sentiments qui se moquent bien de savoir si j’encaisse, si je m’en sors. J’attendais un coup du sort pour me sortir de mon mutisme, du silence qui pesait sur ma vie, qui prenait l’eau de toute part. J’affichais complet à toutes les séances, terrassée par des émotions absurdes. Je me voyais étendue sur un lit d’hôpital, enfin sereine et à l’abri, phénomène étudié par tous les médecins du pays – la fille qui s’était pris les pieds dans un piège à souris. A la différence près que le fromage avait un goût rance. Pourtant je ne pouvais détourner mes yeux de lui, j’en abusais jusqu’à en être écœurée. Je quémandais un peu d’air, comme asphyxiée pas mes pensées et un quotidien qui me poussait au bord du précipice.

Pour elle ce n’était pas si facile. Pour moi, c’était presque impossible. Il fallait que je m’en sorte. Mais comment ? A quel prix ?

Sur ma carte d’identité, la photo était moche. Le nom était celui d’un autre. Je ne l’aimais pas. Ni lui. Ni son nom. Je voulais m’en affranchir, une bonne fois pour toute. Je voulais retrouver ma place, mon authenticité. J’avais tout perdu en route. J’étais esquintée, abîmée. J’avançais telle une somnambule.

Le petit coup de pouce tant attendu ne venait pas. Ou bien mes yeux trop habitués à la pénombre ne distinguaient plus la clarté. J’hésitais. J’avançais. Je reculais. J’étais sur un fil, tendu entre deux immenses building. Je regardais en bas, ça me donnait le vertige. J’osais un regard vers le haut et je perdais mon équilibre. Attention colis fragile. J’étais bien en chair et en os mais j’avais l’impression que mon corps était fait de verre, que je pouvais casser à tout instant, que mon sang pouvait couler à flots sur les carreaux blancs et inonder ma maison.

Je tâtonnais, incapable de me poser, de savoir où j’allais, comment j’allais m’en sortir surtout, incapable de réfléchir, de prendre une décision, de savoir si j’allais prendre la bonne. Je regardais ma vie prendre un sale virage, un de ceux qui laisse le corps anesthésié, sur le bas-côté. De toute façon j’étais presque morte.

Quand on me demandait mon nom, je balbutiais, je perdais mes moyens. Est-ce que j’existais encore ? Je me faisais l’impression d’être devenue une ombre, une ombre errante, un fantôme fait de papier. Au moindre souffle du vent, je m’envolais, je disparaissais de la surface de la terre. Mon humanité s’était fait la malle le jour où j’avais été tentée par le fromage, dont la promotion m’avait vanté les mérites. C’était bon pour ma santé. C’est ce qu’il disait. Mais en fin de compte ça me bouffait de l’intérieur.

Et puis un soir, debout dehors, sous la pluie, la lumière m’a éblouie. Elle a mis feu à mon corps et mon corps s’en est sorti. Quelque chose en moi s’est réveillé. J’avais un nom et un prénom. J’étais vivante. Mal en point mais vivante. J’ai rebroussé chemin, sans me retourner. Ma vérité s’écrivait loin de lui. Son amour ne servait à rien, puisqu’il m’oppressait, qu’il me réduisait à néant, qu’il m’avait fait perdre contact avec ma réalité, mon humanité.

J’ai repris la main sur mon destin. J’ai découvert en moi des ressources insensées, un pouvoir de vie que j’avais sous-estimé. Je n’avais plus rien mais j’avais tout gagné.

Et aujourd’hui je peux enfin l’écrire, je suis une femme libre et libérée.

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Mon texte, mi-fiction, mi-réalité s’est imposé pour le thème de l’Atelier des Jolies Plumes de ce mois, organisé par Célie (http://missblemish.fr/) et Fabienne (http://www.jaiecrit.com/):

“Quête d’identité – Votre personnage va vivre une expérience qui va révéler un aspect de sa personnalité, de son identité qu’il ne connaissait pas lui-même. Quelle est cette expérience ? La vivra-t-il seul, accompagné ? Que va-t-elle changer dans sa vie ? A vous de nous raconter !”

Si vous voulez rejoindre l’Atelier, vous pouvez vous inscrire à l’adresse suivante:
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De l’autre bout du monde…

Je ne pensais pas qu’après tant d’années, on puisse recevoir une lettre comme celle que je viens de découvrir en allant chercher mon courrier. L’écriture sur l’enveloppe est soignée. L’enveloppe vient de loin, d’un pays que je ne connais même pas, dont j’ai vaguement entendu parler au détour d’une conversation, je crois. Elle m’a profondément bouleversée. Je crois qu’il va me falloir quelque temps pour m’en remettre. A moins que je ne décide de tout planter là, pour partir quelques mois à la rencontre de cette inconnue, qui elle m’a bien connue.

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Ma fille,

Tu seras sûrement surprise de lire ces deux premiers mots. Laisse-moi un peu de temps pour te les expliquer. Je ne te parlerai pas de moi, pas trop du moins. Ca ne servirait à rien. Ou du moins ça ne changerait rien pour toi.

Ma fille,

Ces mots sonnent juste à mon oreille. Ils sont empreints de douceur, mêlée de gêne. Un peu quand même. Pour toi, ils ne doivent pas dire grand-chose. J’imagine qu’ils ne se sont épanouis que dans la bouche d’une autre femme que moi, qui elle a eu la chance de te voir grandir, d’être à côté de toi.

Je n’écris pas ces lignes pour récolter un quelconque pardon, ni pour te demander de m’accepter dans ta vie. Je les écris pour te dire que j’existe, que nous sommes liées par une force vivante, un destin commun. Je ne suis pas en train de mourir non plus. On dit souvent que c’est au seuil de la mort qu’on tente désespérément de raccrocher les wagons de son passé. Ne t’en fais pas, je suis en pleine santé.

Voilà qu’il y a quelques jours, une sœur du couvent a demandé à me voir. Pour elle, c’était bel et bien la fin. Nous nous connaissions bien. Elle m’a prié de m’asseoir à côté d’elle et de lui tenir la main. Elle m’a alors raconté une drôle d’histoire, celle d’un pays que j’ai quitté il y a longtemps, pour fuir mes fantômes et le souvenir d’un ventre arrondi, sans enfant à la sortie.

J’ai fait mon deuil en fuyant le monde des vivants. L’enfant à la sortie, c’était toi. Tu étais en vie. Mais ça on ne me l’a jamais dit. On m’a juste fait comprendre que tu n’avais pas survécu. Pourquoi ? Pour cacher la honte. Parce qu’il y a des choses qui étaient inconcevables à cette époque-là. On m’avait laissé aller à terme. J’étais une jeune femme comblée. Tu étais un bébé tranquille. Tu bougeais peu. Tu aimais surtout te tourner la nuit. Quand je calais mes mains sur mon ventre, j’avais l’impression que tu te rapprochais d’elles, que tu te lovais dans le creux formé par la manière dont elles étaient positionnées. Je t’avais trouvé un prénom. Je tricotais des chaussons, des petits cardigans et je venais de terminer une belle couverture pour les nuits froides. Je t’attendais avec la ferme intention de me dresser entre toi et le reste du monde, prête à m’exiler avec toi si on ne nous acceptait pas.

Et puis tous mes rêves se sont envolés avec cette annonce truquée. Il y a eu un enterrement auquel on m’a dissuadée d’assister. La révélation de la religieuse m’a prise de court. Ma fille était vivante. J’étais presque heureuse, bien que terriblement peinée par tous ces mensonges qui nous avaient privés l’une de l’autre.

Ma fille,

J’espère que tu es heureuse, que tu as eu une enfance douce, que tu as été aimée, qu’on t’a choyée, que tes souvenirs sont emplis de chaleur et de rires et que tes chagrins ne sont pas trop lourds à porter. Depuis que je sais, je ne sais plus rien. Je me suis posée mille questions avant de t’envoyer ces mots, avant d’oser faire ce pas vers toi. J’avais peur de tout gâcher, de t’embrouiller. Et puis je me suis souvenue de ma mère qui me disait toujours que les secrets s’enterrent mais brisent bien trop de vies, sans qu’on ait le temps de les faire taire. Alors je me suis lancée, incertaine, comme une enfant devant sa première rédaction, incapable de trouver les mots justes, incapable de savoir comment tu allais accueillir ces lignes hésitantes, ce premier pas vers l’inconnu.

Ma fille,

Je dépose ces mots avec tout l’amour d’une mère pour son enfant. Je t’ai rêvé tant de fois. Et voilà que tu es là, que tu vis, que ton cœur bat quelque part sur cette planète. La vie m’a blessée avant de me gâter. Les gens ont bien raison de dire que la vie est bien faite.

Ma fille,

Prends soin de toi. N’espère que le meilleur, ne vis que pour le beau, le vrai. Aime intensément. Ne laisse personne décider de ton destin. C’est peut-être le seul conseil avisé que je puisse te donner. Pour le reste, je t’imagine assez solide pour faire de ta vie un bel hommage à la mienne.

Hélène

Ceci est ma participation, un peu tardive, à l’Atelier des Jolies Plumes. Je viens tout juste de rejoindre l’aventure créée il y a tout juste un an par Fabienne (http://jaiecrit.wordpress.com) & Célie (http://missblemish.fr). Le thème de ce mois était le suivant: “Ecrire une lettre. Une lettre reçue ou une lettre envoyée, à cette personne très loin – par les kilomètres, une dispute ou un peu plus – une lettre dans laquelle votre héros se dévoile, s’excuse ou pardonne, entretient ou tente de raviver – faire renaître – le lien.”

Si vous souhaitez rejoindre vous aussi ce groupe d’écriture, rien de plus simple, envoyez un mail à latelierdesjoliesplumes@gmail.com et vous serez accueilli avec le sourire!