Je vous l’ai souvent dit, je me pose et j’aime me poser des questions, c’est ce qui nourrit ma créativité et me permet aussi de m’ouvrir à d’autres façons de voir, de penser, de réfléchir.
En ce moment je me questionne sur la frénésie de partage qu’on trouve un peu partout sur les réseaux, sur ce qu’on dit du monde, son malaise, sans se rendre compte que nous sommes les premiers à l’entretenir. Je m’interroge sur toutes les cases, les normes que nous détestons, sur les raccourcis dont nous essayons de nous éloigner mais qui nous rattrapent, car peut-on réellement être hors du groupe, peut-on réellement tenir debout, seul?
Je m’interroge sur la solitude, trouver sa propre voix au milieu du tumulte, savoir ce qui nous fait vibrer et tenir le cap, ne plus chercher, ne plus courir après quelque chose, ne plus partager à l’excès, ne plus chercher à ce qu’on vienne nous dire que nos pensées sont justes, nos actes sensés. Juste être bien, là, dans le silence du jour qui décline, comme dans la chaos des jours de liesse. Accueillir et laisser passer. S’abandonner à la vie.
Je m’interroge sur les amalgames. Quand je vois des messages passer comparant la France à une dictature, je bouillonne de l’intérieur. Quand je vois les gens pleurnicher sur la restriction de nos libertés et fulminer contre le gouvernement qui ne chercherait au fond qu’à faire de nous de bons petits soldats! Nous oublions alors que beaucoup de peuples sont opprimés à travers le monde, nous oublions leur combat, chaque jour. Nous oublions ceux qui souffrent de cette situation, ceux pour qui cette crise aura été catastrophique, tant économiquement, que psychologiquement, alors que nous, nous avons tout ou presque, rien perdu, rien cédé, assez de temps entre nos mains pour dégueuler nos idées aussi violentes que celles contre lesquelles nous luttons.
Je m’interroge sur le deuil, ce chemin si long, si douloureux, si lumineux, une fois qu’on peut le regarder le cœur en paix. Je pense à la souffrance que nous essayons tous plus ou moins de tenir à distance, à ces coups que l’on prend, ces chemins qui dévient, ces explosions qui nous laissent sur le bord de la route, désorientés, sur les beaux discours qui découpent le deuil en phases, qui vantent les mérites d’un programme miracle. Mais combien investissent une autre relation, une autre histoire, en ayant guéri toutes leurs blessures? Ou plutôt combien se jettent à corps perdu dans quelque chose qui leur évitera de vivre, la plaie à vif? Combien évitent leur propre chagrin?
Je m’interroge sur le besoin de reconnaissance, d’appartenance, sur la liberté de penser et d’être, sur la solitude de penser et d’être (!), sur tout ce que l’on fuit et que l’on retrouve parce que fuir n’est jamais la solution. Je m’interroge sur la marginalité, l’identité, nos valeurs et la manière dont nous les vivons, sur le respect de nous-mêmes, sur notre liberté intérieure, sur ce qui tient et sur ce qui nous tient.
Je m’interroge sur l’évènement, un instant, une seconde parfois, qui change le cours de notre destin, sans que nous sachions pourquoi et qui nous laisse face à l’inconnu, ce champ des possibles, espéré et redouté. Je pense à toutes ces vies contenues dans une, à tous nos rêves, nos déceptions, nos souvenirs, à tous nos espoirs, toutes nos convictions, les rencontres qui ont changé le cours de nos existences, nos peurs trimballées d’années en années, nos bagages, nos engagements, tout ce que nous avons laissé, tout ce que nous avons essayé, tenté, osé. Je pense à tout ce qui nous froisse et nous rend plus forts, à nos fausses espérances et aux bruits des pas dans le noir, à ce qui compose et décompose nos routes, ce qui fait la beauté de cette expérience unique, que nous n’arrivons pas toujours à voir comme un éphémère qui prendra fin un soir.
Que garderons-nous de ce passage éclair? Que laisserons-nous comme empreinte sur cette terre?