L’emprise isole, c’est un constat frappant. Elle isole pendant la relation, après la relation. L’emprise est un véritable lavage de cerveau en bonne et due forme. La victime met du temps à se rendre compte que ce qu’elle vit n’est pas normal. Pendant ce temps, le travail de sape opère, jusqu’à la laisser dans un état flou, asphyxiant.
Elle est alors incapable de déterminer le vrai du faux. Ceux qui disent qu’il faudrait justement en parler ne comprennent pas qu’elle se trouve dans une incapacité à savoir où elle en est, ce qui vient d’elle ou de l’autre. Elle se demande chaque jour si ce n’est pas elle qui est folle, si elle n’a pas simplement tout inventé, si ce n’est pas l’autre qui voit juste, si ce n’est pas l’autre qui est dans le vrai.
Si elle en parle, on lui répond de manière rationnelle. Sauf qu’il n’y a plus rien de rationnel dans sa vie. Elle est privée de sa capacité à réfléchir, à faire des choix, à décider ce qui est bon pour elle ou ne l’est pas.
Si elle raconte ce qu’elle vit, elle sait déjà ce qu’elle va entendre, des mots qui ne font aucun sens. Normal, la personne à qui elle parle ne sait rien de ce qu’est l’emprise ou elle en a une idée assez générale. Elle n’imagine pas une seconde ce que peut vivre la victime au jour le jour. Elle est dans le factuel et dans le factuel quand on vit de la violence, on sauve sa peau.
Ce que l’autre ne comprend pas c’est que la victime sauve sa peau tous les jours. Tous les jours, elle déploie une énergie hors du commun pour faire face à ce qui la bousille. C’est devenu instinctif, elle ne pense pas, elle sait.
C’est bien normal que les personnes, n’ayant jamais eu à faire à l’emprise, ne comprennent pas ce mécanisme. Et heureusement d’une certaine manière. Si on pouvait rentrer dans la tête de ces manipulateurs, on deviendrait fou. C’est bien pour ça qu’il y a des professionnels formés sur ce sujet et de plus en plus car la menace est grande. On le voit dans l’embrigadement religieux, dans les sectes, dans le harcèlement au travail, le couple, la famille…
La solitude vaut pendant la relation et après la relation. L’emprise peut perdurer longtemps après la rupture que la relation ai duré 3 mois, 3 ans, 30 ans. Pendant ce laps de temps le bourreau a investit le cerveau de sa victime, il a joué avec tout ce qu’il avait sous la main, il a fait d’elle une marionnette. Reprendre son pouvoir ne se fait pas du jour au lendemain, d’autant plus que le bourreau ne va pas lâcher si facilement sa proie. Il y tient, c’est elle qui le nourrit et qui lui donne de la consistance. Sans elle, il n’est rien!
Une fois la personne sortie de la relation toxique, elle va se confier davantage, essayer de partager des bribes de son vécu pour mieux avancer. Elle a besoin d’être entendue dans sa souffrance, d’être soutenue dans ses démarches, d’être accompagnée dans son processus de deuil et de reconstruction. Elle a besoin d’être confortée dans sa décision, qui sera sans cesse remise en question.
Et bien souvent elle entendra les mêmes commentaires, des paroles vides de sens. Celles de personnes qui croient pourtant l’aider, de personnes qui souvent l’aiment et veulent le meilleur pour elle, de personnes qui ne comprennent ni ses rechutes ni ses appels au secours, des personnes qui croient juste de la secouer, de la bousculer pour qu’elle réagisse.
Alors, elle remarquera qu’elle est fondamentalement seule face à une montagne à gravir. Dans beaucoup de cas, elle fera marche arrière, elle repartira avec son agresseur, au moins avec lui elle sait pourquoi elle souffre et puis après tout ce n’était pas si terrible! Moins compliqué que ce sevrage déroutant en tous cas. Dans d’autres cas, elle se fera aider, et c’est sûrement ce qui la sauvera!
La solitude demeurera comme sa plus grande fragilité et sa plus grande force. Après la colère contre le jugement, les avis des autres, elle intégrera que dans cette histoire qui est la sienne, elle seule a les clés. Après tout que les autres comprennent ou pas, peu importe, elle tient le plus beau entre ses mains: elle est vivante! Et c’est à elle seule qu’elle le doit!