Posted in Atelier Ecriture L'Atmosphérique

Atelier d’écriture #14

Vivian réfléchissait et plus il réfléchissait, plus le tintamarre dans sa tête prenait de l’ampleur. Un vrai orchestre avec trompette et cymbales. Il se demandait bien comment une idée aussi saugrenue avait fait son chemin dans sa calebasse. Le revoir, après tout ce temps, dix ans, invraisemblable ! A quoi ça pouvait ressembler des retrouvailles dans la même ville, au même endroit, avec les mêmes individus et entre temps, des souvenirs, des blessures, des départs, des remords ?
Retrouver son numéro, le composer, hésiter, résister, puis parler derrière le combiné. Il s’était esbaudi au timbre de sa voix, juste un peu. Quelques minutes et un rendez-vous pris : le café du boulevard, celui des grandes nouvelles, avec les lampes de toutes les couleurs, à 19h tapantes.

Vivian sentait ses jambes se dérober à mesure qu’il approchait de l’endroit. Le grand café avait perdu de sa superbe, les couleurs de leur splendeur d’antan. Il s’installa à une table, dans un coin, à l’abri des regards. Après tout, ce rendez-vous, loin d’être une sinécure, méritait un brin de discrétion. Au téléphone, esquivés les sujets nidoreux, mais ils demeuraient comme un fouillis disproportionné entre eux deux.

Il vit arriver Paul de loin. Aucun changement dans sa démarche, il parlait toujours avec les mains, invectivait les passants qui marchaient lentement sur le trottoir. Vivian se demanda, un court instant, si il ne fallait pas mieux payer le café et partir. Il avait pensé que Paul aurait pu changer, qu’il aurait pu développer des qualités empathiques ou enrichir son vocabulaire émotionnel. Mais de là où il regardait il voyait le même numéro se jouer à des années d’intervalles. Il le retrouvait tel qu’il l’avait quitté, devant le jardin et les roses trémières, le dernier des cuistres singeant ses mimiques et se moquant de ses manières, comme il disait.

Paul s’installa tout sourire en face de lui, mais avant qu’il ait eu le temps de prononcer une parole, Vivian sortit d’une traite : « maman va mourir et c’est toi qu’elle réclame », laissa le café sur la table avec un numéro, ivre de fureur mais satisfait du devoir accompli.

Un grand merci aux participant(e)s – retrouvez ici les textes: Chez Isabelle-Marie, Chez Sweet Things, Josée, Mijo

***

Pour la semaine prochaine, je vous invite cette fois à la poésie en partant du poème “mon rêve familier” de Paul Verlaine et en changeant à votre guise les morceaux de phrases en gras (d’après une proposition de Josée):

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

Author:

J'ai l'âme poète...

10 thoughts on “Atelier d’écriture #14

  1. Coucou Marie, mon texte pour la semaine prochaine est d’ores et déjà programmé pour jeudi 19 mai à 10 heures. J’ai réussi le challenge qui n’était pas facile. Si tu veux le connaitre, donne-moi ton adresse mail et je te le ferais parvenir. Sinon… surprise !

    Like

Un mot doux pour la route...

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.