
Depuis quelques semaines les langues se délient, les femmes parlent, osent dire l’inadmissible, l’indicible, lâchent les vannes, partagent le pire.
Je ne suis pas rentrée dans l’arène, je ne me sentais pas légitime. J’ai attendu que ça passe. Mais ça ne passe pas. Fort heureusement.
J’attendais la chute. Je voulais voir ce qui se passerait après les hashtags, après la libération de la parole, après la prise en compte de ce que vivent les femmes au quotidien, dans un pays comme la France, qui se vante d’être un pays de Droits.
De quels droits parle-t-on ?
Je ne voulais pas me souvenir.
Des humiliations dans la cour d’école – ce ne sont que des gosses – Et si tout commençait là ?
De l’exhibitionniste du métro et de l’incapacité à sortir un son dans une rame bondée.
Du surveillant de cantine qui parle de films X à des gamins de 8 ans – mais il a parlé de quoi exactement, tu es sûre que tu n’as pas interprété, tes copains de classe ont une version différente – De choses qu’une enfant de 8 ans n’imagine même pas parce qu’à 8 ans on joue encore à la poupée.
Des mots du quotidien, sexisme qualifié d’ordinaire qui me donnent la nausée, des gestes déplacés.
De cet homme qui ne te lâche pas du regard, descend à la même station que toi, te suit dans les couloirs du métro, te parle et continue même devant ton refus d’engager la conversation, monte dans le même bus, te colle aux basques, te demande d’être gentille et finit par te traiter de « salope » au moment où tu lui claques la porte d’entrée de ton immeuble au nez, tremblante.
De ce flic à qui tu confies « mon mari a menacé de me tuer » et qui te rit au nez en te lançant «vous voulez quoi, une garde rapprochée, on n’est pas aux States Madame ! »
De celui à qui tu dis « non » et qui fait semblant de ne pas entendre, de ne pas y croire, qui te répond « une fille qui dit non, elle pense oui », qui te dit « vas-y je sais que tu en as envie. »
Et bien non, arrêtons de deviser pendant des heures sur ces inepties. Une fille /femme qui dit « non » elle pense « non ». Une fille / femme qui dit « non » elle ne veut pas, elle n’a pas envie. Point à la ligne. C’est sûr que si on la force, elle finira par dire « oui », mais ce ne sera ni un «oui » sincère, ni un « oui » consenti. Forcer une femme c’est la violer.
Un(e) enfant qui ne dit rien, c’est parce qu’il(elle) n’y comprend rien, parce qu’il(elle) ne sait pas, parce que la situation, l’évènement est au-delà de son champ de compréhension. Au pénal on parle de discernement pour condamner un mineur à une peine. Étrangement l’équilibre est loin d’exister entre victime et coupable. Encore une fois.
Quand est-ce qu’on jugera qu’un viol est un crime – c’est inscrit dans la loi et pourtant les violeurs s’en sortent encore trop souvent ?
Quand est-ce que les victimes seront écoutées, soutenues, aidées ? Et non plus jugées en fonction de la tenue qu’elles portaient, de l’attitude qu’elles avaient au moment où… ?
Quand est-ce qu’on commencera à réfléchir à la meilleure manière de faire évoluer les mentalités ?
Quand est-ce qu’on apprendra le respect des femmes aux garçons ?
Quand est-ce que les hommes intégreront que la parole des femmes a autant de valeur que la leur, que les femmes ne sont pas des sous-produits de la société ?
Quand est-ce que le gouvernement prendra la mesure de ce mal qui tue (physiquement et psychologiquement) chaque année tant de femmes ?
Je suis révoltée moi aussi de constater que dans un pays comme la France nous en soyons encore là sur un sujet aussi brûlant. Mais j’ai l’espoir que les choses bougent, que nous faisions chacun à notre niveau bouger les choses. Il est temps. Il le faut…