
10h00:
Je me dis souvent que je ne veux plus parler du passé. Et il revient sur le devant de la scène. Comme ce matin, dans le claquement brutal de la porte d’entrée, une expression dans le regard, des mots qui me percutent de plein fouet. Et alors revient cette sensation, si familière, si ancrée et que je tente par tous moyens d’accueillir et de laisser passer, cette sensation de n’être “rien”.
C’est une attitude, une façon de dire, un rictus. C’est comme une claque qui arrive de nulle part et qui me terrasse.
On dit que le traumatisme est digéré quand plus rien ne vient le réveiller. Le mien est donc encore bien vivant. J’ai beau travailler dessus, j’ai beau gagner en confiance, il y a encore une faille, une cicatrice qui s’ouvre à chaque fois.
Avec certaines personnes, ça passe vite, parce qu’il n’y a pas d’affect ou bien parce que je n’ai pas l’impression d’avoir quoi que ce soit à prouver. Mais dans le regard de mon fils, je vois le mépris de son père. C’est terrifiant. Je prends énormément sur moi pour faire face quand ma première réaction serait de tout laisser là, de partir loin. Je ne le peux pas, alors j’encaisse en tremblant, je crie intérieurement. Avant je tapais dans tout ce qui passait, pour que la douleur cesse. On peut au moins dire que je progresse.
C’est assez déstabilisant comme situation. Bien sûr que cela n’a rien à voir avec mon fils et tout avec moi. C’est à moi de faire la part des choses, de poser mes limites. J’ai l’impression d’être dans une impasse. Chaque jour je me félicite d’avoir tenu, d’avoir réussi à maintenir une harmonie fragile. Et le jour d’après je m’écroule, j’ai l’impression que l’histoire s’écrit encore et toujours de la même façon et que je n’arrive pas à y mettre un terme.
Bien sûr que je suis épatante, la plus merveilleuse des mamans, le meilleur exemple pour mon enfant – c’est vous qui allez me dire ça et ce matin ça sonnera très faux – mais dans les mots et le regard de mon fils ce matin je n’ai vu qu’une colère immense, un mépris que je ne sais pas gérer.
Je ne veux plus être une victime. Alors j’écris, je décortique, j’essaie de comprendre, de trouver des pistes. Je m’escrime à vouloir sortir de cette situation de crise. Je ne veux pas m’avouer vaincue. Cela n’en reste pas moins très compliqué à vivre ai quotidien. Alors je laisse les larmes couler sur les maux. Et j’essaie au fil de la journée de déblayer le terrain pour aborder la soirée le plus sereinement possible.
Moi qui suis plutôt du côté de la vie, dans ces moments là le néant me rattrape et je donnerais tout pour que cesse cette douleur, pour que se ferme la blessure, pour que je puisse respirer sans me sentir prise dans un étau, prisonnière d’un chaos que je ne sais maitriser.
16h30:
J’ai souvent été de celles qui disaient “il ne faut pas hésiter à se faire aider”. Je crois que le temps est venu de regarder les choses telles qu’elles sont: ma difficulté à trouver ma place dans ma vie de mère et ma place d’adulte dans ma lignée familiale. Il est temps de faire face et d’oser demander de l’aide pour une vie plus saine et sereine.