
On oubliera vite
Ce qui hier encore nous paraissait
Insensé
On se fondera dans un décor
La foule des grands jours
Destins frôlés
Baisers volés
On oubliera vite
Les premiers pas dans le vide
Immense
On oubliera
Jusqu’au souffle déposé
Tout deviendra presque habitude
Et alors la magie s’envolera
Sans un bruit
Elle glissera sur nos corps
Désormais endormis
On ne prendra plus le temps
De s’apprêter
De se découvrir
De se regarder jusqu’à tout deviner
Tout ira vite comme une urgence
Comme si demain allait nous voler
Ce que nous n’avons pas su vivre
Le désir sera une performance de fin de soirée
L’orgasme, l’unique aboutissement d’ébats
Vite emballés
On se sera perdus de vue
Au milieu de la foule des grands jours
Nus dans nos habits communs
Plus rien d’extraordinaire
Que du banal
Plus de tremblements
Que du déjà vu
Plus que du sexe pour le “fun”
C’est ce qu’ils disent
Plus de grandes déclarations
Qui font des nœuds au ventre
Et nous laissent, haletants,
Imprégnés d’un bonheur que nous savons fragile
Que nous chérissons comme un cadeau
On oubliera un jour
Les perles de pluie
Sur nos peaux transies
Les marques satinées
L’abandon
Le don
Il n’y aura plus que des cris
Pour dire le plaisir
Plus que des paroles
Quant il y avait des émotions
Plus que des hypothèses cruelles
Quand il y avait des étreintes
Qui valaient tous les mots de la terre
On oubliera le goût de nos peaux
La saveur des baisers
La fougue
L’audace
La complicité dans un regard
La séduction
Dentelles et bas de soie
La suggestion
Les mains qui caressent
Le temps suspendu
La passion
Les surprises
L’envie pressante
Qui ne se contient pas
Le temps se bloquera
Sur ce qu’on n’aura pas su retenir
A force de vouloir plus
Suspendus dans le vide
Nous aurons encore le choix
De revenir à ce qui compte
Plus que tout
Aux sens et à l’essentiel
A ce qui nous ressemble
A nous.