Samedi, en me rendant à l’anniversaire surprise d’une amie, je suis passée place du Palais-Royal. J’aime cet endroit, chargé de souvenirs. J’ai toujours une émotion particulière quand je m’arrête, je glane un sourire et je souris en retour, le cœur heureux et conquis.
En continuant mon chemin, en longeant le ministère de la culture, d’autres images ont surgi. On dit toujours que chaque rencontre nous apporte quelque chose. Et je dois avouer, avec le recul, que c’est bel et bien vrai (même si sur le coup la pilule passe un peu difficilement).
Juillet 2017, je me lance. Je ne sais pas trop où ça va me mener mais qui ne tente rien n’a rien. Cela fait 5 ans que je suis partie, 5 ans que je suis célibataire, choix pleinement assumé. Et à tous ceux qui me demandent comment je fais, sexuellement parlant, j’ai envie de reprendre les propos de Mathilde Seigner dans Tout Pour Plaire “moins je pratique, moins j’en ai envie, quand ça me démange, je me caresse, c’est bien fait et je n’ai pas à gérer le premier crétin venu qui confond mon clitoris avec une game-boy” (MERCI MATHILDE, tu as tout dit).
Donc en juillet 2017, je me suis inscrite sur un site de rencontres. Attention, pour moi c’était pire qu’un saut à l’élastique. Je m’étais jurée que jamais ça ne m’arriverait (oui je sais les « jamais » et moi !). Et puis, il a fallu se rendre à l’évidence, les hommes ne tombent pas du ciel donc entre le boulot, la maison, l’école et le parc de jeux, mes chances étaient faibles. Le but premier était surtout de reprendre ma place de femme que j’avais laissé sur le bas-côté depuis belle lurette et de tester mon potentiel pouvoir de séduction. Je n’avais aucune velléité de rencontrer la perle rare ni de me taper le premier mec venu, comme me l’avaient suggéré mes amies à plusieurs reprises me vantant les mérites d’un « one night stand ». Je n’étais pas convaincue.
Le site de rencontre, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une motte de foin. Tu passes un temps fou à creuser pour trouver un éventuel spécimen sortant du lot. Entre temps, tu discutes (le terme est mal choisi parce que le style du dialogue est très télégraphique, tu te demandes si les mecs en face savent écrire en fait), tu échanges des bribes d’informations sur ta vie passionnante (ou pas), tu réalises encore une fois que beaucoup d’hommes ont vraiment un problème avec le « non », tu te rends compte au bout de quatre phrases que tu n’as déjà plus rien à partager ou que certains s’arrêtent à ta photo sans regarder ton profil, quand tu leur dis que tu as un enfant, ils t’accusent limite d’être la pire menteuse du siècle et de leur avoir fait perdre leur temps – précieux forcément, ou pire d’avoir trahi leur confiance (on ne s’emballe pas, ça fait juste deux jours qu’on se parle!)
Au milieu de ce joyeux bordel, il y en a quelques-uns avec qui le dialogue ressemble à autre chose qu’une suite de questions-réponses, sans autre but que passer le temps. Après quelques échanges, il y a la rencontre. Et là, c’est une autre histoire. Parfois, c’est sympa. Parfois, c’est juste catastrophique, dès les premières secondes tu es prête à trouver n’importe quelle excuse pour te barrer en courant. Parfois c’est glauque. Parfois c’est déjà très compliqué (quand c’est compliqué au démarrage c’est rarement simple à l’atterrissage – courage fuyons). C’est comme pour tout, parfois la mayonnaise prend et parfois pas.
A ce moment du récit, vous vous demandez sûrement le lien avec le ministère de la culture. Attendez, j’y arrive.
Mi-aout 2017, je reviens de trois semaines de vacances, je rencontre Y. J’aurais dû me douter qu’un homme qui se moque de mes goûts musicaux n’était clairement pas fait pour moi. Il faut dix fois mieux un homme qui sourit parce que tu confonds ta droite et ta gauche ! Ça c’est vraiment drôle. Tourner JJG en ridicule, non (chacun ses priorités).
Vous me lisez depuis assez de temps pour savoir que ma plus grande hantise ce n’était pas tant de renouer le contact avec les hommes que d’avoir à gérer l’intimité. Tout le monde avait beau m’encourager, l’amour c’est comme le vélo, j’avais du mal à me projeter. L’idée de mon corps nu et d’un autre corps, étranger, j’évitais d’y penser. Et puis tout s’est bousculé, au bout du deuxième rendez-vous, je savais que c’était l’occasion, presque inespérée, d’enclencher la vitesse supérieure. J’avais posé carte sur table dès le départ. C’était important qu’il sache les grandes lignes de ce par quoi j’étais passée. Il n’y avait clairement des choses pour lesquelles je n’étais pas prête. Il manquait clairement de tact à plein d’égards, mais il est certain qu’il m’a permis de franchir un cap important. A l’issue de la soirée, je suis rentrée chez moi débarrassée d’une gêne que j’avais longtemps portée comme un fardeau. Je ne l’ai jamais revu.
Mais quand je passe devant le ministère de la culture, je me souviens que grâce à lui, j’ai repris contact avec mon corps, ses envies, ses besoins, son plaisir (même si on est très loin de ce que je vis aujourd’hui) j’ai pu dire « non » sans crainte et m’engager dans une autre histoire, libérée de certains tourments.