- On a dit quoi nous ?
- Rien
- On a laissé faire. Juste un brin d’air, un peu plus d’herbe et de fleurs dans les cheveux. Un rideau qui se soulève, on a juste regardé par la fenêtre puis on a fermé nos yeux sur les courbes lascives des corps mélangés.
- On aurait dû, dis ? Dire quelque chose.
- On aurait pu. Lisa n’a rien dit non plus.
- Papa nous a raconté tous ces trucs loufoques pour nous embrouiller la cervelle, tu te souviens, pour qu’on ne puisse plus savoir entre réalité et imagination – quelle vérité ?
- Il a rendu les choses plus douces, plus acceptables pour des enfants.
- Tu le défends toujours. Pourquoi ?
- J’essaie juste de comprendre…
- Il n’avait pas le droit.
- C’est facile de juger !
- Toi, tu ne juges jamais. La fille parfaite. C’est beau ta dévotion. Je n’en veux pas.
- Et tu te fais du mal ! Ca te sert à quoi ?
- Le mal, tu me parles de mal. C’est papa le fautif. C’est ce qui a tout foutu en l’air. Notre enfance, notre vie. Alors…
- Tu as demandé des explications ?
- Sur quoi exactement ? Entre deux allées et venues à l’hôpital pour voir maman qui perdrait le nord?
- Est-ce que tu as cherché plus loin que ce que tu avais vu ?
- Est-ce que je suis allée creuser, foutre les mains dans la boue pour déterrer ces foutus secrets, c’est ça que tu veux dire ! Non mais tu te moques de moi j’espère ! Chacun sa croix !
- Alors tu as préféré le détester, plus pratique, plus commun.
- Il a tué Lisa, merde !
- C’est Lisa qui a choisi, c’est elle qui a voulu en finir, personne d’autre.
- Tu aurais fait quoi toi ?
- Moi j’ai choisi la vie.
- Tu m’embrouilles avec tes histoires. Papa, on aurait dû l’enfermer, point barre. Maman elle est devenue cinglée à cause de lui, c’est à cause de lui tout ça, à cause de ses penchants malsains.
- Tu te trompes de combat.
- Tu n’as jamais rendu visite à maman de toute façon, sa présence t’était insupportable, pauvre petite fille riche !
- Alors que toi tu t’en ai donné à cœur joie ! Tu cherchais quoi ?
- A apaiser ses démons.
- Tu as eu raison. Elle, on ne lui en a jamais voulu. Pourtant derrière les rideaux ce jour-là, c’était bien maman et Lisa. Moi aussi j’y ai eu droit et pas qu’à ça.
- Tu dirais n’importe quoi pour salir sa mémoire.
- Papa, il a fermé les yeux c’est vrai, il a laissé maman faire son petit business avec nous, il l’aimait trop m’a-t-il dit pour la dénoncer. Et pendant ce temps-là, c’est notre innocence qui se faisait la malle, entre les bras d’une mère qui usait de son pouvoir et nous utilisait pour son plaisir.
- Et moi alors, pourquoi j’y aurai échappé ? T’as une idée !
- Parce que papa a compris, après la mort de Lisa que si ce n’était pas lui qui osait enfin parler de ces violences, ce serait moi…
Retrouvez les autres participations ici: C’est le bouquet chez Mébul, En catimini chez l’encre nomade, Le cadeau chez Josée, Chez Sweet Things
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Pour ce deuxième mois, nous allons partir à la découverte de la poésie. Je sais que ce n’est pas forcément quelque chose d’évident pour beaucoup mais une fois encore, ce rendez-vous se résume ainsi: exploration et plaisir! L’année dernière, si mes souvenirs sont bons, nous avions essayé le triolet.
Pour cette première semaine (challenge #5) nous allons partir faire un tour du coté des Haikus. Vous connaissez sûrement, au moins de nom. Le Haiku est une forme de poésie japonaise qui célèbre la nature et l’éphémère, l’évanescence des choses, traduit des émotions. Il évoque souvent une saison. Les occidentaux ont repris l’idée et aujourd’hui on compose des haikus plus libres que les originaux, en respectant toutefois la règle des syllabes (5-7-5). Ci-dessous quelques exemples pour vous aider:
Dans la vieille mare,
une grenouille saute,
le bruit de l’eau.
Matsuo Bashō
Le vent se lève,
Un vent de la montagne !
Tu es contre moi.
Inconnu
Vous pouvez écrire un ou plusieurs haikus, sur le thème au choix (comme suggéré par Marie) du printemps ou de la nuit (ou les deux!) . Hâte de vous lire!