Avertissement: Dans ce texte je vas partager mes états d’âme du moment. Si vous n’avez pas envie de les écouter, passer votre tour. Ca évitera les commentaires du style “mieux vaut voir le verre à moitié plein” ou “il y a un truc derrière ton émotion”. Je vais être franche je m’en contrefous royalement, là, maintenant, j’ai juste envie de dire ce que j’ai à dire. Point barre.
En relisant le commentaire de Mijo sur mon article Regarder les gens couler je me suis rendue compte que la tendance actuelle nous collait sur le dos de nouvelles injonctions, en lieu et place de celles dont nous tentons de venir à bout. Nous sommes passés du “sois fort”, “pense aux autres” ou “fais plaisir”, au “ose”, “pose tes limites”, “sois authentique” ou “prends soin de tes émotions”.
Dans cette course au perfectionnement de soi, nous sommes semblables à des robots. Nous sommes tous appelés à lâcher nos masques, à sortir de notre zone de confort, à vivre nos émotions, à vivre l’instant présent. Quand aucune de nos vies ne se ressemble. Nous sommes lobotomisés avec toutes ces théories du bien-être qui nous inculquent la recette magique pour une vie qui a du sens. Au final rien ne fait sens.
Les psychologues – les vrais, ceux qui ont fait des études en ce sens, et non ceux qui se sont improvisés thérapeutes en trois semaines de formation intensive – sont unanimes, la France est en grande souffrance. Et pourtant nous vivons dans un monde où le bonheur fait la une des étagères des librairies.
En vérité, toutes ces phrases sont des bombes, toutes ces citations positives sont d’une violence sans nom. Elles génèrent culpabilité et mal être. Elles imposent une manière de voir et d’être qui met de côté le psychisme humain. A les croire, nous serions créateurs de notre réalité. Imaginez vous dire ça à un enfant victime de sévices. Ca remet sacrément les idées en place, non?
Sans compter que nous devenons, à force, tous des moutons alors même que l’industrie du développement personnel nous promet des techniques pour devenir nous-mêmes! La bonne blague!
Dans notre monde, il n’y a plus de place pour le dépassement de soi, pour l’émotion pure avec laquelle nous tentons de composer, il n’y a plus de place pour les maux qui nous bousculent, il n’y a d’ailleurs plus que nos thérapeutes pour nous écouter, sans nous rabâcher que tout est cycle et que tout passe, qu’on tire toujours du positif de nos expériences traumatisantes, qu’il faut R-E-L-A-T-I-V-I-S-E-R.
Imaginez quelqu’un qui ne sait pas nager, à qui on demande de sauter du plongeoir. C’est incohérent et dangereux. C’est la même chose pour la zone de confort ou tout autre “ose” en début de phrase, sans accompagnement thérapeutique, c’est suicidaire. Mais aujourd’hui on veut nous faire croire que c’est notre unique salut, que nous en sommes tous capables, qu’il suffit de le vouloir. A croire que si nous échouons, nous sommes des ratés. Quoi de mieux pour aller plus mal!
Je suis fatiguée de tout ce que j’entends, de tout ce qui me / nous tire vers le bas. Je suis fatiguée des personnes qui ont toutes les réponses, qui croient détenir l’ultime vérité (tout en te disant qu’il n’y en a pas), je suis fatiguée d’entendre les mêmes mots tout le temps (notamment le” ça va?” qui m’horrifie et que je me surprends moi même à prononcer parfois) , je suis fatiguée de tout ce qu’on nous demande d’être sans cesse, jusqu’à ce qu’on s’écroule parce que ça ne nous correspond pas, je suis fatiguée des masques qu’on ôte pour en remettre d’autres (en pensant qu’on n’en porte plus).
Voilà je suis fatiguée de toute cette pression à créer une meilleure version de nous-mêmes tout en acceptant nos fragilités, en dépassant nos peurs, en accueillant nos émotions, en osant dire stop, en étant empathique (sans porter les problèmes des autres), en prenant soin de nous (sans sombrer dans l’égoïsme). Et tout ça en gérant harmonieusement notre boulot, notre budget, notre vie privée, notre vie de famille, en faisant du sport et du bénévolat, en étant positif et en ne laissant pas la morosité ambiante nous atteindre…
Pas étonnant alors que nous soyons tous à plat, complètement paumés et à la limite de l’asphyxie!