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Quand notre corps nous parle

Photo by Anete Lusina on Pexels.com

Octobre 2012
Fin de journée au bureau. Une douleur fulgurante me terrasse.
Je pense au bébé bien niché dans mon ventre. J’ai peur un peu puis je me souviens, ça arrive parfois ces douleurs inconnues qui me cisaillent les entrailles.
Ça passe. Comme tout. Puis ça revient. Une fois, deux fois, dix fois.
Mon corps pèse lourd et mon visage pâlit d’heure en heure.
Mon patron commande un taxi, je quitte le bureau avant la sortie. Direction la maison.

Je n’aime pas rentrer plus tôt à la maison quand il est là. Je n’aime plus quand il est là.
Mais aujourd’hui pas le choix, il faut que je me couche, que je me repose. La douleur est telle que tenir sur mes deux jambes est impossible.
A peine arrivée je m’écroule sur mon lit, incapable de faire un pas, de dire un mot.
Un peu de nuit. Juste un peu.
Il est déjà là à me demander ce que je fais là, pourquoi je ne lui parle même pas. Je n’en ai pas la force.
Il est déjà là à me dire « repose toi » avant de filer dans le salon. Il ne fait pas attention au bruit qu’il fait en partant.

Deux heures plus tard, aucune amélioration. Un coup de fil et un rendez-vous en urgence chez mon généraliste.
Un taxi aussi. Il ne m’accompagne pas.
Je ne lui en veux même pas. J’attends qu’on me dise que tout va bien, que mon enfant n’est pas en danger.

A l’examen tout va bien.
La douleur ne se dit pas. Elle reste tapie dans son coin.
Je ne sais pas ce qu’il y a. Mon corps ne répond plus.
Il faudra quatre appels incessants pour qu’il décroche et me demande si c’est vraiment important.
Je l’attends dans le froid de la rue, corps battu par la pluie d’automne, pas vraiment là. Heureusement, sinon ce que je vis me paraitrait complètement incohérent, impensable.

Aux urgences on attend encore et je me rends compte à quel point il est inadapté à la vie, à ma vie.
Je lui trouve des excuses pourtant. Beaucoup. Beaucoup trop. Dans cet hôpital, j’aimerai presque que l’on me garde, une nuit au moins, une nuit pour échapper à ma vie.
Pour ne pas avoir à rentrer avec lui, pas ce soir.
Une nuit pour dormir vraiment, plus que quelques heures tourmentées par ses mouvements, les bruits de son cœur contre les draps froissés.

Une inflammation. Douloureux mais pas grave.
Il faudra revenir le lendemain pour une échographie afin d’être certain que le bébé se porte bien.
Je repars avec lui, faible encore pour quelques jours.
A la maison je m’allonge, à 22h30 je n’ai plus le courage de rien. Il me dit quand même « il y a quoi pour le diner ? »
Puis accepte de se coller aux fourneaux, à condition que demain je reprenne le chemin de la cuisine, après tout, les médecins l’ont dit, ce n’est rien. C’est juste histoire de se faire remarquer !

Pourquoi ce récit ?
Pour dire que notre corps nous parle. Et qu’il crie aussi parfois.
Ça commence petit et ça peut virer au pire.
Nous ne sommes pas toujours prêts à entendre. Parce que psychologiquement c’est trop compliqué.
Alors notre inconscient fait barrière et on tient, parfois des dizaines d’année. Et un jour ça craque.
Tout ce qu’on a encaissé se brise et nous sommes à terre.
Ne jamais sous-estimer les alertes du corps. Ne jamais se dire «c’est rien ». Toujours se rappeler que c’est un appel à l’aide.
Si celui-ci est entendu, nous pourrons nous en sortir sans trop de dégâts.
Si nous préférons éviter d’y faire face, les conséquences peuvent être catastrophiques.

J’avançais depuis des mois en pilote automatique. Je ne savais plus qui j’étais, ce que je valais.
Je n’avais plus de repères. Je n’avais plus d’énergie. Je n’avais plus de vie.
Je n’ai pas compris sur le moment mais j’ai senti qu’il se passait quelque chose et que si je ne faisais rien, j’allais basculer de l’autre côté.
J’avais devant moi assez de modèles pour savoir ce que ça pouvait donner.
C’était dément, fracassant, déroutant, cinglant…
C’était déjà le début d’autre chose.

Ce récit pour vous dire que votre corps est votre allié, non votre ennemi.
Prenez en compte ce qu’il vous dit.
Ne négligez pas les signes qu’il vous envoie.
Ne dites plus « c’est rien » même si c’est douloureux de regarder en face une histoire qui vous échappe.

Author:

J'ai l'âme poète...

18 thoughts on “Quand notre corps nous parle

    1. Ca c’est certain. Il dit si bien ce qu’on ne veut pas voir!
      Bises Paulette et belle fin de journée

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  1. MERCI MERCI MERCI.

    C’est tellement important ce genre d’article. Ton histoire est poignante. C’est courageux de l’écrire et de la partager.

    Chaque vie est différente mais j’aime ♥ les vécus. Lire qu’on a souffert et qu’on va mieux.

    Bravo 👏 Marie et encore merci pour tes écrits tellement émouvants.

    Continue, ça fait du bien de te lire.

    Gros bisous 💋 plein de chaleur 🔥 en cette fin de journée.

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  2. Ton texte est très émouvant, sincère et courageux. C‘est
    aussi une aide pour ceux qui vivent la même chose.,
    j’admire ta générosité.

    Que le jour qui vient te soit doux et souriant.

    Je t’embrasse très fort chère Marie.

    🥰♥️🌹❤️❤️♥️🥰
    J

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  3. Merci Marie d’avoir le courage de partager ces mots, ces maux, ces fantômes du passé.
    Comme tu le sais, je suis bien placée pour comprendre. Et pourtant, je n’écoute toujours pas assez mon corps.

    Il y a 10 jours, je devais aller prendre le goûter chez ma tante, avec ma fille. Avant de partir, j’ai eu des spasmes violents, une diarrhée inexplicable. J’ai attendu quelques minutes et j’y suis quand même allée, à ce goûter.
    Je n’aurais pas dû. Ma tante et ma fille se sont liguées pour m’expliquer, assez violemment, pourquoi, selon elles, je devais changer de travail. J’en suis revenue laminée et, depuis, nos relations se sont dégradées.
    Si j’avais écouté mon corps, je serais restée chez moi à me reposer.
    Bonne journée, Marie 🔆

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  4. Tes mots me parlent tant pour des raisons différentes mais moi aussi il m’a fallu assez loin avant que j’accepte que quelque chose n’allait pas du tout et encore du temps pour commencer à agir.
    Merci pour ce billet

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    1. C’est un processus. Et puis notre corps peut vivre tellement de choses, il est si solide en apparence, tant qu’il tient on avance.
      C’est bien que tu ai pu commencer à agir en tous cas.
      Merci pour ta lecture

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  5. la douleur est le seul langage que connaisse notre corps pour nous signifier qu’il est tant de rétablir l’équilibre avant qu’il ne soit trop tard…

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  6. Tu as parfaitement raison et c’est très bien dit !
    Malheureusement de mon côté prendre soin de mon corps, écouter, c’est un peu compliqué. Une fois j’ai lu un article sur comment faire son propre gommage. Et je me suis dit “ah bah non, ça prend du temps” (concrètement : 3 minutes : le temps de mélanger tous les ingrédients) alors qu’à côté de ça je suis prête à faire ma propre lessive quand je quitterais l’appart’ de mes parents. Je suis du genre à toujours repousser un rendez-vous chez le médecin, du coup quand j’y vais enfin j’ai une liste longue comme le bras de trucs à dire x) J’essaye de me corriger, “prendre soin de moi” c’était ma résolution de 2021. Mais on est à la moitié de l’année et j’ai presque rien fait de concret.

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    1. Prendre soin de soi, quand c’est une résolution, c’est un peu comme se mettre au sport.
      C’est quand j’ai abandonné l’idée de prendre soin de moi que j’ai commencé à voir les chose sous un autre angle.
      Notre corps c’est la seule chose que l’on possède sur terre autant bien le traiter, tu vas y arriver, tu en as déjà l’envie!

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Un mot doux pour la route...

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