Je ne saurais jamais, je ne pourrais jamais remonter jusqu’à cette date, si profondément ancrée, si loin dans la conjoncture des années. Cet épisode est à tout jamais enfermé dans les méandres de ma mémoire. Un instant, un battement. Dans mon berceau, chaque seconde compte. Avant les sirènes hurlantes qui traversent la ville, des échos de souvenirs, ceux des autres, ceux pour qui d’un coup le temps semble s’être mis sur pause, une pause aux allures de cauchemar.
Je ne saurais jamais ce qu’est j’ai pu ressentir dans ces heures de flottement, ces minutes suspendues pendant lesquelles aucun médecin ne souhaite se prononcer. Qui de la vie ou de la mort va l’emporter? Est-ce un choix à cet instant précis?
Un petit corps dans une petite bulle, dans une grande chambre. Et des tuyaux un peu partout, des machines qui attendent elles aussi, un sursaut, que rien ne vienne troubler leur rythme, que le noir ne s’invite pas sur le blanc des murs de l’hôpital, saturé de cris de nouveaux nés.
Il n’y a que les récits et les dates, inscrites à l’encre noire sur un carnet de santé. Comme beaucoup de souvenirs dont le corps seul se rappelle, qu’un évènement ramène à la surface, il faut accepter que certains éléments de notre histoire nous échappent. Parfois nous pouvons reconstituer certaines choses, faire des liens.
Leur histoire n’est pas la mienne. Eux ont encore accès à la folie de cet instant, à cette peur viscérale de perdre leur premier enfant, alors que la voiture file à toute allure dans le froid glacé de novembre. La peur, la vraie, ne disparait pas vraiment, elle reste la preuve vivante du danger menaçant l’ordre établi.
Il y aura quelque part toujours cette cicatrice là, ce petit point sur la ligne du temps, et tous les autres qui font et défont nos existences. Il y aura toujours un petit quelque chose prêt à faire vaciller l’équilibre sur lequel on se tient. La fulgurance d’une alerte, le regard perdu dans le vide, à prier, crier, créer, aimer. Il y aura tous ces cataclysmes qui ont fait bouger nos trajectoires, ces épisodes pas perdus, juste remisés, classés dans de tiroirs, ceux qui nous maintenons fermés, par besoin de se protéger, et ceux que nous choisissons parfois d’ouvrir, pour aller plus loin, pour être au plus près de qui nous retient encore, un peu, un peu trop.
Au fond, il faut un certain courage pour affronter ses démons. Et beaucoup aussi, pour les accueillir et les laisser partir.
La peur de perdre un nouveau-né, beaucoup l’ont connue ! Plus tard lorsque l’enfant apprend son histoire il a du mal à s’imaginer ne jamais arriver à survivre. Difficile à l’accepter …certaines vérités font peur ! Bon lundi Marie Grosses bises
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Oui je crois que c’est une peur viscérale.
J’avoue c’est quelque chose qui m’interroge…
Beau début de semaine Paulette et merci.
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Tellement magnifique 😍 merci 🙏. Bisous bisous 😘
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Merci merci Nicole!
Toujours un plaisir de te lire et de lire ton soutien. 😘
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Ta dernière phrase est si juste, si vrai. Il faut beaucoup de sagesse et de force pour y arriver, je crois.
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Peut-être qu’il faut aussi en avoir envie ou y être sensible.
Beaucoup ne font pas ce chemin, peut-être que pour eux ce n’est pas nécessaire.
Merci pour tes mots toujours aussi gentils.
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Ma chère Marie, tu nous transporte sur des vagues d’émotions si fortes. Tes mots sont si beaux. Merci encore.
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Les émotions c’est la vie, comme dirait mon amoureux!
Merci, surtout heureuse que mes mots touchent. Je crois que c’est le plus beau cadeau pour moi.
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