Posted in O bonheur des sens, Variations Littéraires

Jour de neige

Crédit Pixabay

La nuit avait accueilli puis laissé partir un visiteur surprise. De la fenêtre, on distinguait au loin l’herbe au manteau blanc immaculé. Le silence imposait sa présence. Elsa s’en délectait, elle dont les jours n’étaient que cris et coups. Elle ne voulait pas encore penser à la journée qui allait suivre, à son travail, ces enfants en mal de repères qui transformaient parfois son quotidien en enfer. Bien sûr certains jours les victoires l’emportaient, ils se faisaient rares, les enfants arrivaient dans son service de plus en plus abîmés, meurtris. Il ne lui fallait pas longtemps pour imaginer le pire.

Elle ouvrit la fenêtre, souhaitant sentir la fraicheur du matin. Elle la cueillit d’un coup, s’infiltra sous son chandail, vint ébranler la chaleur de sa peau, encore riche de l’étreinte nocturne.

Elsa respira à pleins poumons puis sentit deux bras entourant sa poitrine, une barbe de quelques jours s’engouffrant dans le creux de son cou. Elle résisterait encore un peu, laissant le temps à ces bras, à cette bouche de s’imprégner de son parfum. Elle aimait ce moment où elle savait la suite, tout en se donnant le temps de ne rien précipiter. Ils faisaient l’amour le soir. Et le matin. Pas toujours dans cet ordre. Pas toujours d’ailleurs. Il lui arrivait souvent de le regarder, dans la clarté du début du jour ou dans l’ombre de la nuit qui s’installe. Elle aimait la liberté de son absence dans ces moments de contemplation où la vie lui paraissait d’un coup simple et légère.

Il n’y avait que lui qui pouvait lui faire oublier le reste, la dureté des jours d’errance. Sa façon d’être, d’agir, de saisir ses envies, de tenir les rênes du jeu de leurs ébats, quel qu’ils soient. Tantôt  crus, tantôt tendres. Passionnés sans cesse. Mais d’une passion dont les degrés variaient en fonction de ce que le corps attendait. On aurait pu penser que depuis toutes ces années, leurs gestes n’étaient que répétition, comme une pièce de théâtre apprise par cœur, qui fait carton plein tous les soirs de la semaine. Au contraire, c’était chaque fois une découverte, une entrée dans un espace à apprivoiser, des saveurs différentes, des partitions à écrire à partir de rien. Le temps n’avait pas de prise sur le charnel. Et quand tout foutait le camp ailleurs, ils savaient que dans cet espace là, ils se retrouveraient, sans mots, puis que les mots viendraient, épurés, juste l’essentiel.

Elle posa ses bras sur les siens, fit basculer sa tête, pour qu’il s’écrase encore davantage dans le creux de ses épaules. Elle respira profondément et son souffle dessina une figure  sur la vitre du salon, qui ressemblait vaguement à des draps froissés…

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J'ai l'âme poète...

12 thoughts on “Jour de neige

    1. Merci beaucoup Marie! Je sais qu’il te coute de lire alors cela me touche encore plus.
      La tendresse, cela reste une valeur sûre dans ce monde. Pas toujours tendre d’ailleurs.

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      1. Cela ne me coûte pas quand ce n’est pas trop long mais quand ça l’est mes yeux fatiguent d’autant plus que je visite pas mal de sites le matin

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    1. Oh merci Josée! Toujours heureuse de voir que mes textes plaisent.
      Et bien il suffisant d’un mot parfois, une situation et c’est parti!
      Je t’embrasse et belle journée à toi

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Un mot doux pour la route...

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