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Les reliquats de la violence conjugale

Crédit Marie Kléber

Je voudrai pouvoir me dire – je tente même de m’en persuader – qu’il ne reste rien ou si peu de ces 4 années, 8 si l’on compte le divorce. Et pourtant elles sont là, bien accrochées, mes peurs et angoisses. Elles se font toutes petites la plupart du temps, puis crèvent l’écran.

Parfois elles sont dans un cri trop brusque, un acte banal qui fait ressortir une foule de souvenirs, dans une réaction disproportionné, dans un possible imaginé, dans une colère qui vient de je ne sais où et qui se déverse sur le papier ou cogne contre un mur. Personne n’y verra rien. Personne n’avait rien vu à l’époque. Elles sont dans les larmes qui s’abattent froidement sur la toile cirée et donnent un coup de massue à mes pensées.

Un silence, les mots qu’on a gardé, la fatigue, un malaise ou l’idée d’un malaise, on a tellement été habitué à ce que chaque mot soit pris de travers. L’angoisse revient. Qu’est-ce qu’il faut faire déjà? Qu’est-ce qu’il faut dire ou ne pas dire? S’excuser? Est-ce que demain tout se sera éteint?

J’ai beau savoir que rien n’est pareil, qu’aucune donnée d’aujourd’hui n’est la même à plusieurs niveaux, j’ai encore parfois cette sensation désagréable du passé. Combien de pas en avant qui semblent insignifiants quand il ressurgit, sans crier gare?

Alors je laisse couler l’eau. Je me sens seule parfois, seule avec ce chaos, ces images que je ne partage avec personne, ce traumatisme qui demeure. Pas de coup, pas de preuves. Juste une main qui étreint un peu fort. La haine dans les yeux de quelqu’un peut faire plus mal qu’un coup de poing bien placé. Le silence glaçant a le pouvoir d’anéantir un élan.

Un évènement anodin est venu réveillé le choc. Vivre avec, rien de plus, rien de moins. Apprendre à accueillir ces temps d’entre-deux, ces émotions vives qu’un grain de sable peut déclencher. Ne pas se décourager surtout. Le chemin de la guérison est fait de victoires et de rechutes. Respirer surtout et doucement laisser le passé regagner sa place. Et se réveiller plus fort encore une fois.

 

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J'ai l'âme poète...

39 thoughts on “Les reliquats de la violence conjugale

  1. Les traumatismes, ce n’est pas facile. Peut-être que tu en garderas quelque chose mais de moins en moins avec le temps et le joli qui finit par recouvrir le moche. Je ne sais pas si tu as consulté pour “ça”. ça aide parfois. Bisous

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    1. Je le vois avec le temps, ça s’évapore. Quand ça revient c’est qu’il y a quelque chose qu’il faut comprendre et dépasser.
      J’ai suivi une thérapie.
      Aujourd’hui la peinture m’aide…
      Merci Elisa.

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  2. Tu n’es pas seule puisque nous sommes là, l’écoute silencieuse est ce qui suffit souvent car comment se mettre réellement à la place de l’autre ? En tout cas, merci infiniment car cet article vient après une journée de chaos intérieur pour moi, et cela me rappelle qu’effectivement, nous ne sommes qu’humaines et qu’il faut accepter ces reliquats, ces entre-deux. Et tu as raison, l’écrire est une bonne thérapie. J’ai essayé de parler de mon chaos hier à ma mère, et j’ai senti qu’elle se mettait sur ses gardes “au cas où” et qu’elle taisait beaucoup de ses ressentis afin de ne pas me blesser. Vaut mieux alors des actes thérapeutiques comme la méditation, l’écriture, ou la peinture pour certains.

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    1. Je me rends compte en en parlant qu’au final certaines personnes, peut-être plus sensibles, plus ouvertes, plus bienveillantes, moins dans l’affect ou dans la peur, comprennent ce que je ressens. Donc oui autant le partager dans ces cas là.
      Je pense que ma mère aurait agi de la même façon. Les mères partent d’un point de vue différent je pense.
      Je regarde beaucoup du côté de l’art thérapie en ce moment, niveau pro, et je pense que cela peut beaucoup en effet.
      Merci d’être là.

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  3. Heureuses sont celles qui n’ont jamais vécu cela et j’en fait partie. Mais ce doit être un calvaire à vivre, surtout quand il y a des enfants qui freinent l’envie de ficher le camp

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    1. Je ne le souhaite à personne Marie.
      J’ai eu de la chance de partir avant les enfants…c’est clairement un frein pour beaucoup.

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  4. C’est un passé bien douloureux que tu portes, Marie. Les souvenirs peuvent être réactivés par un fait d’apparence anodine, et on a alors l’impression d’être repartis dans le passé. As-tu pu aller au bout de ton travail thérapeutique ? l’EMDR permet de se désensibiliser des traumatismes vécus. Je pense à toi 🙂

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    1. C’est exactement ça. Mais curieusement je trouve que je réagis mieux au fil du temps, j’arrive mieux à comprendre d’où vient une émotion, un malaise, un mal être. J’arrive à poser les mots.
      J’ai entendu parler de l’EMDR. Merci, je vais regarder cela plus en détails.
      Bises

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  5. Comme tu dis cela remonte moins avec le temps mais je pense qu’il reste tjs une trace en soi que l’on enfoui très loin ds un tiroir de son subconscient un detail peut tout faire ressurgir mais il faut te dire que tu as tout dépassé tu es sauve et plus forte bises

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    1. C’est ce que je me dis Catherine.
      Avec le temps on arrive sûrement à gérer ses émotions. En tous cas là j’ai mieux réussi qu’avant. Je n’ai pas laissé la colère l’emporter.
      Merci et belle journée à toi!
      Grosses bises et pensées pour toi

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  6. Je fais encore des cauchemars dont il est l’acteur exclusif et principal. Je souhaite qu’un jour ça cesse…je souhaite être capable de gommer d’un coup 14 ans de mariage dans lequel je me suis donnée à fond malgré que je n’avais aucun retour. Vivre avec une personne narcissique et même si l’on quitte a un impact jusqu’à la fin de nos jours.

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    1. Les cauchemars cesseront Dina, encore une fois avec le temps. Tu ne gommeras pas tout – j’ai cru que c’était possible mais je me souviens que ma thérapeute de l’époque m’avait dit qu’il resterait toujours quelque chose et que c’était mieux comme ça aussi. Cela nous a aussi apporté du positif Dina. Plus de bienveillance, d’ouverture à l’autre, plus d’empathie et de savoir ce qui comptait VRAIMENT pour nous. Nous ne nous braderons plus et ça c’est l’essentiel.

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  7. Le titre de ton billet m’a interpellée tu dois t’en douter ! Des années plus tard le passé et ses angoisses revient au galop. Par exemple j’ai très mal vécu le spectacle du boxeur face au CRS non pas pour ce contexte car je peux comprendre l’exaspération du boxeur mais parce que le geste a réveillé de douloureux souvenirs chez moi. On peut essayer de revivre mais la brutalité vécue ne s’efface jamais complètement et ressurgit alors que l’on ne l’attend pas ! La famille ne comprend pas toujours, “mais c’est le passé “….donc je garde pour moi ! Grosses bises

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    1. Je comprends Paulette. C’est clair que les souvenirs ne sont jamais loin. Ils sont gravés en nous.
      Oui la famille ne comprend pas toujours. J’en parle peu ou alors aux rares personnes qui comprennent.
      Grosses bises et affectueuses pensées

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  8. Il est des traumatismes qui se surmontent sur le long terme. Une amie proche vit la même chose et je vois qu’elle a vraiment besoin d’aide et de soutien tous les jours pour passer le cap, puis pour se reconstruire.

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    1. Je crois qu’il faut accepter qu’un évènement nous trouble encore et encore. A chaque fois, on se libère de quelque chose.
      Je souhaite beaucoup de courage à ton amie et d’être bien entourée. Se reconstruire est un vrai processus, de deuil et de guérison.

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    1. Le temps les apaisera Cécilia. Mille merci pour ton soutien.
      Ils arrivent sans crier gare et c’est ce qui rend les choses plus compliquées. Mais à chaque fois je lâche quelque chose, j’apprends quelque chose.
      Grosses bises

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    1. Merci Maud.
      On chute mais on se relève toujours. Et puis on saisit la chance d’avoir choisi un autre chemin

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  9. Maman disait: on peut pardonner mais on n’oublie pas.
    On ne peut pas effacer ceci de nos memoires, il y a toujours un moment, un regard, une situation et notre ressenti (fatige ou autre) qui fait que l’on se rappelle d’avant….
    Pas facile a digerer.
    Il faut du temps au temps…
    Je t’embrasse Marie
    Bizzz

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    1. Toujours Carrie. Et oui ce sont les évènements extérieurs, parfois anodins pour certains, qui viennent nous rappeler un mot, un geste, un souvenir.
      On apprend chaque jour à vivre avec. Et on se souvient aussi de tout ce qu’on a vécu et surmonté.
      je t’embrasse et merci ma belle

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  10. Peut-être ne devrais tu peux pas cacher ce mal être car c’est là que réside l’essence même d’une saine réflexion ouvrant la porte à tout processus de guérison… Cette article est le premier pas

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    1. Tu as raison Sabine…
      On va dire que je crains toujours d’en parler car pour certaines personnes c’est comme raviver une peur, c’est comme dire que j’en suis toujours où j’en étais hier.

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  11. Pour un roman que j’avais écrit et qui traitait de ce sujet, j’ai eu l’occasion de lire des témoignages – glaçants et de discuter avec plusieurs femmes qui ont subi la violence conjugale, sur une durée plus ou moins longue… C’est un combat de tous les jours pour redresser la tête, avec des hauts et des bas, et cela prend du temps. Ne cesse jamais de croire en toi, Marie. Je t’embrasse.

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    1. Merci Maude. Oui c’est un long processus de guérison. On apprend chaque jour sur soi, ses ressources, ses forces et les blessures dont il faut encore prendre soin.
      Je ne sais pas si je pourrais lire ce roman mais merci de l’avoir écrit.

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    1. Ce serait bien Ornella!
      Merci…
      Quand je regarde le côté positif des choses, je constate que j’apprends encore beaucoup sur moi et que ces passages à vide m’élèvent un peu plus haut.

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  12. Pour moi cela a duré 20 longues années avant que je n’ai la force de prendre mes enfants et de m’enfuir loin de lui … Je sais aujourd’hui la volonté et le courage qu’il faut pour le faire, et bien sûr que cela laisse des cicatrices, des bleus à l’âme ! Il faut accepter notre fragilité, comprendre que nous n’y sommes pour rien, et au-delà de tout se pardonner à soi … C’est un bien long chemin, mais on peut oublier les cauchemars et surtout recommencer à vivre en étant fière de soi !

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    1. Etre fières, oui Catherine.
      Il faut du courage pour partir. Et cela ne s’arrête pas là.
      Il faut du temps pour se reconstruire, se donner le temps et c’est peut-être ça le plus compliqué au final.
      Mille merci pour ton partage.

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    1. Oui Kathou. Je m’en rends compte. Et du coup je trouve qu’on devient plus sensible à certaines choses, qu’on comprend mieux nos émotions au fil du temps.
      Je pense à toi. Bises

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  13. Je comprends un peu mieux cet élan qui me pousse vers ton blog, Marie, outre le fait que j’aime ta façon de manier les mots. Un vécu peut-être un peu similaire…

    Mon inconscient a fait le travail pour moi : beaucoup d’événements ont disparu de mon esprit. Et quand l’un ou l’autre proche me parle de tel ou tel fait, c’est le blanc. Le vide. Il le fallait, pour survivre. Treize ans, pas autant de maltraitance verbale, mais presque, enchaînée parce qu’il y avait les enfants. Et puis sombrer, et puis au plus noir de la dépression, des rencontres qui sauvent du suicide, et puis, enfin, partir. Se reconstruire prend du temps, mais enseigne aussi à respecter ses propres envies.

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    1. Merci Olivia. Oui au delà des mots, des parcours de vie…
      Les enfants sont souvent les raisons pour lesquelles on reste, jusqu’au jour où on ne peut plus.
      Oui cela prend du temps mais tu as raison on apprend énormément sur soi, on construit la suite sur des bases solides.

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Un mot doux pour la route...

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