Posted in Emprise et Renaissance

Ces matins-là

Elle n’avait jamais connu ça avant, les jours de maladie posés alors qu’on n’est même pas malade. Elle n’avait jamais laissé ses coups de blues prendre le dessus.

Et puis ces matins sans énergie se sont multipliés avec le temps. Ils faisaient souvent suite à une dispute, un mot mal placé, un mot prononcé sur un ton qui ne plaisait pas. Ils faisaient suite à une grimace, à un silence de plus en plus insupportable.

Ces matins-là, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle se traînait dans le salon, sa couette sous le bras. Elle mettait un DVD, appelait le bureau avec une voix d’outre-tombe et attendait que la journée passe. Elle faisait toujours ça quand il n’était pas là. Quand il était là, elle se forçait, elle puisait tout ce qu’elle pouvait dans ses réserves fragiles. Il fallait qu’elle sorte. Même avec de la fièvre et tremblante, elle sortait. Rester une journée entière, seule avec lui, face à face, elle ne pouvait pas le supporter.

Ces matins-là, elle s’en voulait tout autant qu’elle lui en voulait. Le vide l’oppressait. Elle se battait avec elle-même, avec ses cris d’animal blessé. L’amour qu’elle donnait lui faisait mal aux tripes. Il savait. Lui, il savait. Il l’aidait, à sa manière. Elle en était persuadée.

Sa vie transposée sur grand écran, on l’aurait cru folle. Il fallait la voir se débattre, frapper les murs, hurler de rage et de désespoir. Il fallait la voir s’esquinter, se vider. Tout ça parce qu’elle ne se sentait pas à la hauteur de son amour à lui, parce qu’elle n’arrivait pas à gérer tout simplement, parce qu’un simple regard la bousculait, la faisait trébucher. Tout ça parce qu’elle finissait par penser qu’elle ne valait rien, que sans lui elle ne valait rien. Et que si lui finissait par détourner son regard, c’est qu’elle valait encore moins que rien. A quoi bon continuer quand on ne pèse rien dans une balance.

A l’inverse son corps paraissait lourd. C’était épuisant pour elle de porter son corps, de vivre dans ce corps qu’elle ne reconnaissait pas. Elle avait l’étrange impression de n’être que contours, un corps sans âme et un cœur à l’abandon.

Après ces matins-là, elle reprenait goût à la vie, en s’abreuvant à la source de tous ces bouquins de développement personnel, qui vendent du rêve. Elle valait un peu mieux que rien, jusqu’au prochain virage trop serré qu’elle prendrait à toute allure, trop vivante pour se méfier.

Le monde avait retrouvé ses couleurs. Il avait souri ce matin, abandonné sa cave silencieuse et lui avait murmuré, sa tête au creux de ses bras “tu vois quand tu veux”.

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Source Pinterest

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J'ai l'âme poète...

19 thoughts on “Ces matins-là

  1. Magnifique et très poignant à la fois… C’est fou comme notre humeur peut quelques fois dépendre complètement du regard que l’autre pose sur nous… Bisous Marie et j’espère que tu vas mieux… ❤

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    1. C’est bien là le problème Karine, on finit par devenir quelqu’un d’autre, à force de laisser les humeurs des autres nous changer.
      Je vais mieux, merci beaucoup. Bon dimanche à toi!

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    1. Pas toujours Catherine, parfois on est pris dans un tourbillon qu’on ne sait comment arrêter.
      Bises et bon dimanche à vous deux.

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  2. Ce texte me fait penser à un dialogue de “Coco avant Chanel” Quand Coco demande à une amie si elle a déjà été amoureuse et quel effet cela fait. ” Ca fait mal.” Répond l’amie. La vérité crue, loin des fables…

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  3. Ton texte, va savoir pourquoi, me ramène à la folie furieuse de mon premier amour. A chaque dispute je cassais, jetais, déchirais, hurlais, pleurais…

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    1. C’était la folie de mon deuxième Fleur de Menthe. Je pense que ces amours là sont trop violents pour être vrais.

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  4. je radote mais suis toujours emportée comme une grande vague dans tes écrits. Je n’ai jamais su si c’était la façon de l’écrire ou les émotions qui me bousculaient au temps et çà fait longtemps finalement que je me dis que c’est simplement l’association des deux que tu manies aussi bien 🙂 ma ptite écrivaine ^^
    Touchée par ce chaos intérieur en tout cas… on n’a pas le droit de vivre ce genre de moments qui arrache tout en nous…
    Encore de gs bisous ❤ ❤

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    1. Mille merci ma belle. Je suis heureuse que mes mots te touchent autant, même si ils ne sont pas bien guais je l’avoue.
      Personne ne devrait s’infliger une telle douleur ni dépendre autant de quelqu’un d’autre.
      Je t’embrasse bien fort et suis très heureuse de te lire à nouveau.

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Un mot doux pour la route...

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